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Ingés d'Avenir : Bastien, du jeu vidéo à la protection de l'océan

Dans le cadre de notre grande campagne de recrutement ingés d'avenir, nous lançons une série de portraits d'ingénieurs qui bifurquent, qui doutent, et de tous les acteurs de la réorientation des ingénieurs vers des carrières qui ont du sens. C'est dans ce cadre que nous avons rencontré Bastien.

Fin lycée, Bastien ne sait pas vraiment quoi faire, quelle voie suivre. On lui dit : “fait un truc qui t’ouvre plein de portes.” C’est ce qu’il a fait en choisissant une école d’ingénieur en Bretagne. Il trouve ensuite sa voie assez facilement, en suivant ce qu’il aime faire. Pourtant, un enchaînement d’événements, accentués par ce moment clé qu’est la fin des études, le feront dévier de cette trajectoire. Il raconte…

Grandes études = Embarras du choix ?

Après le lycée, lorsque Bastien intègre cette fameuse école d’ingénieur, il ne sait pas trop quoi faire, ni vers où s’orienter ensuite. Il se questionne alors, et une réponse lui vient instinctivement : le jeu vidéo ! “Le jeu vidéo était un truc que j’aimais bien, et étant ingénieur, je pouvais tout à fait m’orienter vers cette activité. Je me suis dit que j’avais trouvé ma voie, donc je voulais y aller à fond.” Jusque là, c’était assez simple dans la tête de Bastien. En parallèle, comme beaucoup, il commence à entendre parler du réchauffement climatique et des enjeux environnementaux. Chez Bastien, ces informations résonnent ainsi : “C’est vraiment dommage… Humm où j’en étais ? Ah oui, le jeu vidéo !”

Quand le sujet environnemental s’accentue

C’est lorsqu’il part au Canada, pour continuer ses études dans l’informatique et se spécialiser dans le jeu vidéo, qu’un fossé se creuse entre ses rêves professionnels et la réalité. En coloc à ce moment-là, les discussions se tournent souvent vers ce que chacun va faire plus tard, après les études. Lui envisageait de rejoindre Ubisoft, l’une des plus grandes entreprises françaises d’édition de jeux vidéo. “C’est quand même important d’avoir un métier qui a du sens” réalise-t-il au cours de ces échanges entre colocs. Alors dans sa tête, des questions afflux : “Le jeu vidéo a du sens pour moi certes. Mais y a-t-il autre chose ?” 

Orelsan, Bo Burnham… amplifient le doute

Pendant que de petites graines se plantent, Bastien poursuit le cap qu’il s’était fixé. Pourtant, de nouvelles “baffes”, comme il les décrit, viennent le réveiller. D’abord le spectacle Inside, du comédien américain Bo Burham, tourné pendant le confinement. Dans une partie de son spectacle, le comédien aborde le sujet de l’anxiété. Aille, ça vient toucher Bastien… Lorsque l’album Civilisation d’Orelsan sort, même scénario…”Je me prend une baffe. Ça fait du bien, ce genre de baffe.” Les sons qui le marque sont “Civilisation” et “Baise le Monde”. Dans ce dernier son, Bastien retient par exemple ce passage : “j’ai taffé toute la semaine, dieu merci on est samedi, whisky coca dans un gobelet en plastique, qui finira peut-être dans l’océan pacifique, ou en particules toxiques dans l’organisme.” Pour Bastien, cette musique décrit clairement ce qu’est la dissonance cognitive. Finalement, les artistes sont pour lui une bonne porte d’entrée, “ils ont le côté sensible” et “si ça vient te toucher, tu vas t’informer.”

 “Les artistes ont le côté sensible. Si ça vient te toucher, tu vas t’informer.”

Après les baffes, le besoin de comprendre

The Shift Project, le Low Tech Lab, Jean Marc Jancovici… Bastien prend son courage à deux mains et commence alors à s’informer pour comprendre les sources de son anxiété. Sauf qu’en affrontant la réalité, plus possible de revenir en arrière : “je me sentirai trop coupable d’aller dans le jeu vidéo, sachant qu’il y a des enjeux beaucoup plus majeurs.” En discutant avec des amis, ceux-ci lui disent pourtant : “c’est possible de travailler dans le jeu vidéo, en faisant de l’écologie.” Bastien y réfléchit. Pour lui, même si les jeux vidéos peuvent avoir une portée de message, il a besoin d’agir de manière plus concrète. Et puis, en se projetant dans cette option, il anticipe ceci : “si tu pousses des sujets de jeux vidéo dans les grosses boîtes, ça ne bouge pas, et si tu vas dans des structures indépendantes, c’est plus libre, mais moins sûr en termes financier.” Il sait qu’il lui faut donc trouver une activité “plus concrète et plus sûre”

“J’ai le choix de faire ce que je veux et en même temps je n’ai pas le choix.” 

Faire le meilleur choix possible

Bastien, ce qui vient le prendre aux tripes, c’est la culpabilité qu’il pourrait ressentir dans un avenir proche : “je ne me vois pas dans quelques années me dire que je n’ai rien fait.” À la fin de l’année au Canada, Bastien rentre en France, et il lui faut trouver un stage de fin d’études. Face au mur, il oscille entre deux constats “j’ai le choix de faire ce que je veux et en même temps je n’ai pas le choix.” Il trouve alors un stage chez Quiet Ocean, une pme qui lutte contre la pollution sonore dans les fonds marins. Les sons générés par l’activité humaine peuvent en effet désorienter les êtres vivants marins s’orientant grâce aux sons. Un exemple qu’il donne est un test militaire ayant généré un son si puissant que des dizaines de baleines ont été retrouvées échouées, sur une plage proche du lieu des tests, quelques jours après. Le bilan de cette expérience pour Bastien est plutôt positif : “faire un stage dans l’écologie m’a rassuré. Je me sentais mieux car c’était en rapport avec mes valeurs. En plus, j’ai mis les jeux vidéos de côté, et je me sentais bien quand même.”

“Profiter du stage pour essayer de bifurquer vers quelque chose de plus écologique, je le conseille. Ça peut permettre de solidifier ses idées.”

Dans quoi travailler ensuite ? 

Suite à ce stage de fin d’études, pour trouver un emploi, il se rend sur la plateforme Shift Your Job, qui référence des entreprises qui agissent pour la réduction des émissions de CO2. D’ailleurs Shift Your jobs fait le lien avec jobs_that_makesense où son présentent les offres d’emploi de ces entreprises. Son choix s’oriente alors vers deux entreprises : Greenspector ou le Shom. GreenSpector est une organisation nantaise dans l’informatique, qui accompagne ses clients à rendre le numérique plus responsable. Le Shom, à Brest, est le Service Hydrograhique National. C’est un service public qui fournit de la donnée sur les mers françaises publiquement. Au sein du Shom, il y a une branche intitulée « Planification de l’Espace Maritime » qui permet d’organiser les activités en mer, comme les éoliennes, les aires marines protégées, les activités industrielles… le but est de montrer tout cela à des décideurs, et ainsi ils auront un avis plus clair sur comment lier des activités humaines sans heurté encore plus l’environnement marin. C’est un travail à échelle européenne, et c’est notamment encadré par la WWF. “Je suis développeur, et mon but est de développer une application permettant de faire de la PEM.” Bastien est satisfait de ce choix professionnel, faisant le lien avec ses convictions et qu’il peut exercer dans la ville de ses études, dans laquelle il a ses amis. “C’est impressionnant les gens qui se mettent à fond dans l’écologie, mais mentalement il faut avoir de la force.” Lui sait qu’il fait partie de ceux qui font les choses au fur et à mesure. 

Après le pro, le perso

Après son aménagement à Brest et une stabilité trouvée dans son nouveau boulot, au Shom Bastien sait qu’il veut désormais mettre en place des actions dans son quotidien. Il le fait petit à petit : prendre le vélo pour aller au travail, prendre le train, arrêter de consommer de la viande de bœuf… Sont par exemple les actions qu’il à déjà entrepris. Pour lui, après son job, si son mode de vie ne suivait pas, c’était aussi problématique. 

La dissonance, expliquée grâce à Matrix

Sa dissonance, Bastien l’explique comme ceci : “À un moment tu as le choix entre la pilule bleue ou la pilule rouge, pour soit rester dans cette vie, soit voir la vérité. J’ai l’impression d’être entre la bleue et la rouge en permanence. À partir du moment où j’ai douté sur mon job, j’ai aussi commencé à changer ma manière de me nourrir, puis de bouger. Plus je tire le fil, plus je vois qu’il y a des problèmes dans les moindre détails. C’est pour ça que je dis que je glitch dans la matrice : je commence à voir les problèmes de plus en plus et je pense que c’est pour ça que j’ai toujours cette dissonance.” Cette dissonance est en revanche plus diffuse qu’au début, lorsqu’il suivait encore le cap du jeu vidéo. 

5 conseils de Bastien, qui font du bien ! 

  • “Plus je fais d’actions, plus je calme cette dissonance”
  • “Faire du mieux qu’on peut, c’est le principal.”
  • “Ne pas renier sa peur, son anxiété. Comprendre pourquoi. Résoudre le problème.”
  • “Faire au fur et à mesure pour ne pas devenir totalement fou.”
  • “Tu ne peux pas voir tous les problèmes d’un point de vue personnel. Il faut commencer par résoudre notre problème à nous.”

Pour aller plus loin

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👉 Olivier Lefebvre - Ingénieur bifurqueur, se questionnant sur les raisons de la non-bifurcation

👉 Ingés d’Avenir : Louis - de l’IA à la ferme