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Ingés d'Avenir : Louis, de l'IA à la ferme

A 27 ans, Louis a déjà eu plusieurs vies. Ce passionné de mathématiques n’a eu de cesse depuis ses études de chercher à donner du sens à sa vie professionnelle, quitte à sortir du chemin tout tracé de l’ingénieur Télécom. Entre ennui, doutes et ré-orientation, il nous explique son parcours et les étapes qui l'ont conduit à s’orienter finalement vers l’agro-écologie.

Les études, la quête de sens et le temps des doutes

À la sortie du lycée, Louis Jeay entre dans le monde des études supérieures en intégrant une prépa en mathématiques, puis une école d’ingénieur.e : Télécom SudParis. “J’étais attiré par les mathématiques appliquées, j’ai donc voulu me spécialiser dans ce domaine.”  nous dit-il. Son diplôme en poche, il cherche un job avec “du sens”, s’enclenche alors le début d’un long parcours : “J’ai d’abord trouvé un boulot dans la data science appliquée à l’imagerie médicale”. Le travail de sa vie ? “Cette première expérience a duré 4 ans ! Arrivé à un certain point, je me suis rendu compte que je commençais à m’ennuyer et que je n’étais plus convaincu par le sens de tout ça.” 

La solution de Louis ? “J’ai décidé de rester dans le même secteur, avec quelques différences : Dans cette optique de recherche sens, je me suis orienté vers la robotique agricole, avec l’utilisation de l’intelligence artificielle !” Est-ce la bonne expérience cette fois-ci ? “ Malheureusement, c’est vite devenu ennuyeux. Je me suis vite rendu compte que le problème, c’était que je n’étais pas captivé par la data science et l’IA. Ça m'ennuyait !” 

En cause ? “ Il y a eu une différence entre le “sens” de ce que je faisais sur le papier et la réalité des choses. Du greenwashing et du techno-solutionnisme (consiste à transformer n'importe quel problème humain en question technique dont la solution est attendue du développement de nouvelles techniques numériques, NDLR), ce n’est pas ce que je cherchais. Je n’ai pas senti d’impact concret, réel, et je ne vais pas parler de la provenance des investissements ! Tout ça a très rapidement créé des doutes sur le vrai sens de ce que je faisais.” Voilà donc le moment de remise en question pour Louis ! 

Les 3 ingrédients du bonheur au travail

Pour donner du sens à sa vie pro, Louis décide de se focaliser sur 3 ingrédients essentiels : “ Je veux utiliser mes compétences, trouver du plaisir dans ce que je fais et avoir de l’impact.”.  C’est sur cette base qu’il commence ses recherches. À force de lectures et de vidéos, notamment L’agroécologie peut nous sauver (par Marc Dufumier & Olivier Le Naire), il se découvre une passion pour l’agriculture low-tech. “L’agroécologie, ça a été une révélation ! Je trouve la solution merveilleuse d’un point de vue politique, écologique et social.” 

La recette du bonheur ? “Le secteur coche toutes les cases. J’ai senti que je me dirigeais dans la bonne direction, tout en pouvant rester ingénieur en trouvant une passerelle pour me spécialiser.“ Pourtant, ce n’est pas une discipline orientée mathématiques. Un choix doit donc être fait, mais il n’a pas eu l’air compliqué pour Louis : “Abandonner les maths ? C’est un mal pour un bien. Je souhaitais sortir de ma zone de confort et diversifier mes compétences. C’est plus challengeant, mais moins ennuyeux !”  

Expérimenter sur le terrain pour être sûr de faire le bon choix 

Après un long brainstorming, Louis s’est posé LA question : “Comment savoir si ça me plaît ?” Sa réponse a été l’expérimentation, en alliant “théorie et pratique” : “Je suis allé bosser dans une ferme 1 fois par semaine pendant 6 mois. Pour ça, je suis passé au ⅗ (1 jour de théorie et 1 jour de pratique ”. Et comme toute expérience, le travail à la ferme, a permis d’avoir une meilleure vision de la vie professionnelle. En effet Louis nous précise qu’il a “ pu voir les problématiques auxquelles les agriculteurs.trices font face : mal de dos, gestion des maladies et ravageurs de cultures, gestion des adventices, vente, stockage, management de l'équipe, aléas climatiques, machines en panne.... Il y a également des problèmes de distribution, de conservation, de  management et le recrutement est compliqué !” 

Pour Louis, l’’expérience de terrain a l’air d’avoir été plus que formatrice,  provoquant même une prise de conscience sur la différence avec le traitement en école : “On est un peu comme des petits rois en sortant d’école d’ingé, mais ça fait une claque quand tu arrives dans une ferme, tu te rends compte que gérer une ferme c'est très complexe, avec des problemes théoriques et pratiques, c'est bien plus dur que les équations et l'IA ..." 

En clair, malgré le vertige, l’expérience est enrichissante pour Louis : “J’allais plaquer ce que je savais déjà faire, mon salaire, mon emploi, mais en découvrant un autre monde je regagnais tellement de choses : nouvelles compétences, découvertes, espoir dans le monde, et même la joie de vivre ! Finalement, je gagnais plus que je ne perdais. ” 

Alors, quelle est la conclusion qu'il tire du travail à la ferme ? Le travail à la ferme est très dur et polyvalent, on est débordé.e.s et il y a donc peu de temps pour innover. Mais travailler dehors, avec ses mains, avec des plantes, c'est vivifiant !" Une phrase simple, claire, mais pleine de sens quant à ce que cette expérience peut apporter ! 

Se former pour garder un fondement théorique

Louis n’est pas ingénieur pour rien, il veut comprendre les enjeux, aller au fond des problèmes pour apporter des solutions éclairées. Et le problème de l’agriculture, selon lui, est multiple politique, lobbies, investissements en recherche trop tournés vers l'agriculture productiviste plutôt qu'une agriculture durable, accès au foncier et j'en passe ! Or, l’agroécologie est bien plus pointue et stimulante d'un point de vue scientifique que le modèle intensif, sans parler des avantages sociaux. On doit donc accompagner techniquement nos agriculteurs.trices vers des pratiques plus vertueuses, pour les rendre indépendant.e.s de ce cercle vicieux produits phytosanitaires/engrais chimiques/mécanisation... la route est longue

Mais alors, quelle place prendre pour résoudre ce problème ? Pour Louis, ce sera agir en gardant une posture d’ingénieur. il ne veut pas bosser dans une ferme mais continuer à être dans les sciences, donc il faut se former ! “Il vaut mieux un master et pourquoi pas même faire une thèse pour mieux comprendre le fond du problème”. 

Mais une fois le type de formation identifiée, quelle école choisir ? “J’ai opté pour un master plutôt général, dans une école assez connue (AgroParisTech, NDLR). Pour bien choisir, j’ai vérifié qui étaient les profs. Dans mon master, ce sont des personnes assez engagées qui développent l’agro-écologie depuis 10 ou 20 ans. Je voulais apprendre les sciences qui vont justifier une transition agroécologique et pas pour travailler dans des industries agroalimentaires. Avant de faire mon choix, j’ai aussi appelé pleins d’anciens étudiants contactés au préalable via LinkedIn !”

Et la suite ? 

Louis profite de ses études pour réfléchir à plusieurs options : “Je réfléchis à comment avoir un équilibre entre le terrain, le contact avec les agriculteurs, et les sciences. Ainsi j'aimerais faire de l'accompagnement technique d'agriculteurs.trices et de la recherche en collaboration avec eux.elles sur leurs parcelles, afin de les aider à développer des pratiques plus résilientes : sols, agroforesterie, gestion des adventices, etc... il y a des associations ou petites entreprises qui font ça."

Louis est conscient que ses choix ne sont pas forcément accessibles à tous : “’J’ai de la chance de pouvoir faire ça, car j’ai fait quelques économies en travaillant qui m’aident et mes parents derrière s’il y a des problèmes, mais je pense que ceux qui "dirigent" en ont les moyens et que ça serait pour leur bien et celui de la planète”

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