Rémunération transparente et grille de salaire : réalité ou fiction ?
Vous êtes RH ou DRH ? Le 7 février 2024 avait lieu le webinaire “rémunération transparente et grille de salaire : réalité ou fiction”. Et dans cet article on vous fait un bilan des échanges !
Les invités du webinaire :
Sandrine Dorbes, experte en rémunération depuis plus de 15 ans. Elle a exercé dans des entreprises du CAC 40. Depuis 4 ans, elle a créé son cabinet de conseil : How much, pour accompagner des entreprises sur la mise en place de rémunération qui ont du sens pour elles.
Jonathan Salmona, le co-fondateur de Shodo, une ESN de plus de 110 salariés qui accompagne des clients dans la réflexion de projets informatiques. Les deux co-fondateurs sont animés par l’envie de redonner du sens au salariat, de proposer une alternative au départ indépendant, et d’inverser le turnover de leur secteur qui est en moyenne de 30%. Leur modèle est basé sur l’équité et la justice sociale à travers la redistribution de la valeur et la transparence des salaires.
Si vous êtes RH ou chef d’entreprise et que vous n’avez pas eu le temps de suivre les échanges, voici les points à retenir :
La politique de rémunération de Shodo
Pour redonner du sens aux salariés, les dirigeants de Shodo leur ont ouvert le capital à hauteur de 34% et ont retissé de la confiance en apportant de la transparence sur les salaires.
La grille de salaires suit le principes suivants :
- des paliers d’augmentation annuelle de 5%
- une redistribution inscrite comme composante de leur modèle afin que la politique commerciale soit au service de cette redistribution
- une rémunération variable sur objectifs est appliquée, via un système de marge excédentaire pour valoriser la performance économique des missions
- les femmes qui reviennent de congés maternité ont une augmentation au même titre que les autres salariés restés dans l’entreprise
- les rémunérations des dirigeants sont encadrées : “si on s’augmente en tant que dirigeant, c’est qu’on a créé les conditions à l’intérieur de l’entreprise pour que tout le monde soit augmenté”, indique Jonathan.
Cette politique a débouché sur des résultats opérationnels sur le turnover et l’attractivité de Shodo. “Sur le turnover on a un départ par an, et côté recrutement, on arrive à recruter sans approche directe, sans faire appel à des cabinets, et sans fonction de recruteur ou de recruteuse dédiée”, indique Jonathan.
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QUESTIONS & RÉPONSES
Le capital est ouvert à qui et sous quelle forme ?
Jonathan - Le capital est ouvert à tous les salariés. Il y a une détention à hauteur de 34% de la part de nos salariés. On a ouvert le capital en valorisant les parts à hauteur du nominal.
Comment as-tu décidé de fixer ton salaire de dirigeant ?
Jonathan - J’ai fixé mon salaire à 3 fois la plus petite rémunération. La décision d’encadrer nos salaires est posée dans nos statuts. Pourquoi X3 ? Car on estime que les rémunérations des salariés sont suffisantes pour fixer le curseur à X3 pour nous. Dans d’autres secteurs, comme chez les banquiers d’affaires par exemple, le curseur serait peut-être à adapter. Après, je tiens à préciser que la transparence n’est pas le consensus : c’est assumer des décisions, à partir du moment où on estime qu’elles sont justes. La transparence permet de rendre des comptes et de révéler plus rapidement les désaccords avec les salariés.
Si les objectifs ne sont plus fixés au mérite, comme les enjeux de performance sont gérés ?
Jonathan - En tant qu’entreprise, on détermine de quoi on a besoin pour vivre au niveau des salaires, de quoi on a besoin pour se développer sereinement, et on redistribue tout le reste. On a des rémunérations fixes qui vont progresser jusqu’à l’atteinte d’un plafond. On a des rémunérations fixes qui progressent jusqu’à 70 000 euros. C’est le maximum en général à Paris. Puis, on re-distribue la marge excédentaire sous 3 formes :
- ⅓ en rémunération variable
- ⅓ en jours de congés supplémentaires
- ⅓ en jours de travail non facturables
La marge excédentaire peut aussi être reversée en temps libre ou en bonus financiers.
Plutôt que la notion de mérite, on rémunère la performance sur une mission. Par exemple, le taux qui permet à Shodo d’atteindre l’objectif de marge est de 678 €/jours. Donc chaque euros au-dessus, va être reversé en marge excédentaire à la personne chargée de la mission.
Comment la notion de performance et de mérite est gérée ?
Sandrine - La grille, c’est juste un outil d’aide à la décision. Quand quelqu’un vient de me voir en disant “j’ai besoin d’une grille de salaire”, je lui dis “non, tu as besoin d’une politique de rémunération.” Il faut d’abord être au clair sur un ensemble de règles qu’on applique à tous. Parfois, j’ai des dirigeants qui me disent : “je veux que le salaire soit aligné sur le mérite, la performance, la justice.” Je leur dis alors : “avant de parler de chiffres et de salaires, tu vas me définir ça : Qu’est ce que l’équité ? Qu’est ce que la justice sociale pour toi ? Quelle est ta vision de la performance et du mérite ?” Ça permet de donner des bases à toutes les politiques qu’on va construire. Quand on se lance dans des chantiers de transparence, on va devoir expliquer sa vision du monde à ses équipes, avant même de demander des chiffres. Pour tout le monde, ce qui est important, c’est de comprendre notre situation actuelle et de sentir qu’on a les rênes. On a aussi besoin de se projeter. En matière de rémunération, cela se traduit de manière simple : comprendre pourquoi mon salaire est de 50K et pas de 52K et comprendre comment il va évoluer dans le temps. J’ai souvent rencontré des dirigeants qui n’étaient pas prêts à être transparents, et qui, deux ans après, le sont. Ils avancent doucement. La grille de salaire vient dans un second temps. Il faut d’abord être au clair dans sa tête en tant que dirigeant.
Comment identifiez-vous vos talents ?
Jonathan - Chez Shodo, on produit beaucoup de contenus marque employeur : il y a 30 minutes de lecture, on perd 95% des gens, mais les 5% qui ont fait l’effort de le lire débouchent sur une conversion intéressante. Quand les gens postulent, ils nous ont déjà découvert. Les personnes qui se reconnaissent dans la culture viennent et c’est très simple.
Comment sont gérées les promotions, les progressions en interne et les augmentations ?
Jonathan - Chez Shodo, on est une mosaïque de petites structures horizontales. On s’est posé ces questions : qu’est ce que va récompenser une promotion ? Est-ce que ça valorise la rémunération ou plutôt le rôle que tu apportes dans une entreprise ? À partir du moment où l’on fonctionne sur une petite organisation, il est plus simple de voir qui peut apporter de la valeur différemment. Pour faire évoluer des rôles dans l’entreprise, on a mis en place des critères pour expliquer pourquoi telle ou telle personne peut prétendre à un rôle. Ces critères sont accessibles à tout le monde et permettent à chacun de se situer et de savoir ce qui lui reste à parcourir.
Sandrine - L’organisation de Jonathan est particulière, elle correspond au monde dans lequel les fondateurs ont envie de vivre et comment ils veulent faire évoluer leur secteur. Or, attention, car parfois, on projette un modèle d’entreprise sur le sien. Si l’on a une entreprise ancienne, très pyramidale, on va se dire que ce que fait Shodo est impossible à reproduire chez soi, donc on ne va pas aller vers la transparence. Alors qu’on peut en prendre exemple sans faire pour autant exactement pareil. La mise en œuvre d’une politique de rémunération est différente d’une entreprise à l’autre. Dans les organisations que j’accompagne, le sujet de l’argent est la dernière chose à traiter quand on parle de rémunération. On a d’autres choses à voir avant comme : comment définir le salaire ? Comment il évolue ? C’est en faisant ce boulot qu’on est ferme sur ses appuis pour engager plus de transparence.
Comment communiquer sur la stratégie de rémunération avec ses salariés ?
Sandrine - Quand vous abordez la rémunération, vous ne devez pas chercher à convaincre, plaire à tout le monde. Quand on parle à tout le monde, on ne parle à personne. Parfois les salariés ne sont pas ouverts à la totale transparence d’ailleurs. On commence par définir les règles et on avance petit à petit. Comme on ne sait pas comment les gens vont réagir, on peut lâcher des informations petit à petit pour prendre la température.
Le modèle économique de Shodo rend plus aisé la mise en place de ce type de politique de transparence. Comment faire quand ce n’est pas le cas, dans des secteurs d’activités très contraints ?
Sandrine - Pour moi, il n’y a pas de lien avec le marché ou le modèle économique. Il faut définir les règles et le chemin qu’on est prêt à parcourir pour communiquer sur les différents thèmes qui touchent à la rémunération, puis arriver à la fin à la transparence totale. Ou pas d’ailleurs. C’est un voyage, qui commence par mettre en place des règles.
LES 8 CONSEILS À EMPORTER
1# Définir les règles de sa politique de rémunération avant de parler de transparence.
2# La transparence n’est pas le consensus. Quand on parle de rémunération, on ne doit pas chercher à convaincre ses salariés mais à ce qu’ils comprennent.
3# Ne pas essayer de mettre en place une politique de rémunération qui va plaire à tout le monde.
4# Une fois des règles claires définies, avancer petit à petit en fonction de ce que les dirigeants sont prêts à lâcher et de ce que les salariés sont prêts à recevoir.
5# Y aller pas à pas et s’entourer.
6# Pour amener les CODIR et RH, il faut que ce soit désirable, que ça donne envie aux gens. Il faut aussi déculpabiliser les gens dans la vitesse à laquelle ça va se construire. Montrer des preuves sociales. On est plus efficace dans la conduite du changement quand on arrive à créer du désir.
7# Au bout de 6 mois, 1 an, faire un point sur le turnover subi et l’attractivité de l’entreprise.
#8 Faire évoluer les pratiques de rémunération, en fonction des évolutions de la vie de l’entreprise.
DES RESSOURCES
Les publications LinkedIn de
Edouard Pick : patron de Clinitex, une pme dans le ménage
Qui s’est mis à la transparence des salaires.
Le Podcast
Génération Do it yourself avec l’interview de Frédéric Laloux, auteur de Reinventing organization.
Le Shomulator
Le simulateur public de shomo pour permettre aux internes ou aux externes de Shodo de simuler leurs revenus.
POUR PASSER A L’ACTION
👉 Recruter sur jobs_that_makesense