RH - Petit guide de la gen Z à destination des recruteurs
Pas simple de recruter la génération Z en 2024 ? Equilibre vie pro/vie perso, besoin de flexibilité, de confiance, de missions stimulantes et bien définies… Pour Elisabeth Soulié, Anthropologue ayant étudié cette nouvelle génération arrivée sur le marché du travail, il est nécessaire de la comprendre pour susciter son attention, la recruter et la fidéliser. Dans une interview, elle donne, en plus de ses clés de compréhension de la gen Z, des éléments de réponses pour les RH afin de recruter !
27% de la génération Z composera l’effectif de l’entreprise en 2025. Quel serait le portrait robot d’une entreprise gérée par la gen Z ?
Aujourd’hui, les services sont séparés, souvent encore en silo. Une entreprise gérée par la gen Z sera plus horizontale, agile, centrée sur l’intelligence collective. La méthode du hackathon est intéressante pour comprendre les attentes de la génération Z : il y a la recherche de solutions innovantes, un temps court, qui rythme et stimule le travail, la mise en synergie de différents parcours, talents et compétences, et une importance donnée à la dynamique collective !
Est-ce que le contrat cadre est toujours adapté pour la génération Z ? Toujours désirable ?
Non. Même la notion de contrat, de CDI l’est de moins en moins. Certes, il y en a encore qui souhaitent être en CDI, mais de plus en plus de jeunes se lancent en freelance, vont métisser, bricoler différents types de contrats. J’ai rencontré des jeunes qui sont incubés au sein de leur entreprise pour travailler sur d’autres projets personnels. Les entreprises préfèrent les incuber, pour d’une part garder leurs jeunes talents, et aussi pour se nourrir de ce qu'apportent ces projets.
Comment l’entreprise peut adapter son management ?
La génération Z veut recréer du lien. Aujourd’hui, pour s’adapter, le management doit hyper personnaliser le lien. Les marques viennent personnaliser le produit pour cette génération, c’est la même chose dans l’entreprise. Comment allons-nous fonctionner ensemble? Vivre notre relation?
Le bien-être est aussi très important pour cette génération, qui si elle ne se sent pas bien, part de l’entreprise. En tant que manager, poser des questions régulièrement sur les ressentis, le bien être, est donc nécessaire : comment tu te sens sur une échelle de 1 à 10 ? Qu’est ce que je peux faire pour que tu te sentes mieux ? Est-ce que l’équipe peut faire quelque chose pour toi ?
Autre chose à savoir : la gen Z ne valorise plus l’expertise, mais l’expérience. Ce qui veut dire que l’autorité est accordée au manager, à partir du moment où une relation de confiance est créée et que la personne est totalement impliquée à faire vivre le collectif.
Enfin, la gen Z peut évoluer au sein de l’entreprise et a besoin d’être accompagnée dans ses trajectoires. Les questions que peuvent poser les managers sont : comment veux-tu évoluer ? Quelles compétences veux-tu développer ? Cette génération cherche à vivre des d’expériences diverses et variées plutôt que de monter en gamme sur un métier.
Quel serait un aménagement idéal pour favoriser les collaborations ?
Je ne sais pas s’il y a un lieu idéal. J’ai par exemple fait un travail ethnographique dans un tiers-lieu récemment, et il y a l’intelligence des lieux, les espaces se reconfigurent en fonction de l’usage qu’on en fait. La cuisine pouvait, par exemple, être un lieu pour les réunions d’équipe ou un espace dans lequel une “jeune pousse” allait recevoir ses financeurs. Un lieu plus vaste pouvait servir à des réunions d’équipe mais aussi des événements festifs ou encore la présentation d’une collection. La génération Z ne veut pas être seule, elle a besoin de lieux physiques où se retrouver: le bureau est un “repaire” . Quand elle est en télétravail, elle va aller dans des cafés, des espaces de coworking, des tiers-lieu. Il faut des espaces dans les entreprises qui créent les conditions de la collaboration, du vivre ensemble.
Comment adapter le processus de recrutement ?
Il est beaucoup trop long dans certaines entreprises. Il dure parfois 3 mois ou même 6 mois. Sauf qu’au bout d’1 mois, si le jeune n’a pas de nouvelles après un entretien, il sera parti, il n’ira pas dans votre entreprise. En intéractions régulières avec les RH, je milite pour que le recrutement des Z soit en partie fait par des Z, car ils connaissent les codes, les canaux, les réseaux.. Les entretiens collectifs sont aussi pertinents : les hackatons, les formations comme l’école 42 ou le Wagon, misent justement sur la dynamique collective, pour évaluer une personne.
Pour moi, il faut aussi se concentrer sur le potentiel de croissance plus que sur les compétences dans le processus d’embauche. Un.e jeune de la génération Z veut que l’entreprise le fasse grandir. Il se voit comme une valeur ajoutée dans le collectif, et sait qu’en sa présence, la synergie sera différente. C’est l’approche systémique. Un élément du système bouge, tout bouge.
Comment fidéliser cette génération ?
En favorisant le bien être et le lien en priorité.
Un.e jeune restera fidèle à son équipe et à son manager, tant que son indicateur de bien-être est positif. Il faut se positionner dans un pacte relationnel, se poser la question de la co-évolution, co-évaluation. L’évaluation est encore trop individuelle dans l’entreprise, alors même qu’elle se pense avant tout comme une communauté, un collectif pour la gen Z. Le Z est fidèle à l’humain, à la qualité des liens c’est ça qui lui importe.
La contribution, le sentiment d’agir
La génération Z veut qu’on lui demande son avis, qu’on la prenne en compte, au même titre que les autres salariés. Elle donne l’exemple d’un jeune qui lui a exprimé sa satisfaction à exercer dans une startup qui donne de l’importance à l’avis de chacun : “on me demande mon avis, sur la stratégie. Si je propose une idée, un projet, on me demande de quelles ressources et de qui j’ai besoin pour mettre en place mon projet, puis on fait un test and learn pour voir si on pousse l’idée, si le projet est viable.” La génération Z attend cette participation active à la vie de l’entreprise et à la stratégie.
L’impliquer dans ses trajectoires professionnelles
Au sein d’une boîte, les Z ont besoin d’être écoutés, de participer à leur parcours et trajectoires souvent plurielles dans l’entreprise. Ils ont besoin d’être stimulés et s’ennuient vite. Demander ce qu’ils veulent quand une baisse de motivation se fait sentir, les missions qu’ils aimeraient faire, les compétences qu’ils souhaitent développer, les formations qu’ils voudraient suivre, permet de les impliquer et de les rendre plus autonomes.
“Ce serait bien qu’il y ait des jeunes dans tous les codir, car cette génération apporte un nouveau souffle et une nouvelle vision du monde avec elle.”
Est-ce aux entreprises de s’adapter ou aux jeunes ?
Pour moi les entreprises vont devoir s’adapter, pour pouvoir attirer, manager et fidéliser cette génération. Comment? En instaurant un dialogue constant et informel, en pensant l’entreprise comme une tribu, en développant des valeurs communes. L’entretien de mi-année par exemple est un non sens, car le dialogue doit être continu. Les retours doivent être réguliers et affectifs “quand je travaille avec toi, je me sens heureux parce que je trouve que tu es très autonome et…”. Bien sûr, ce n’est pas forcément évident pour les anciennes générations. Un manager m’a dit récemment : “on ne nous a pas appris à exprimer nos ressentis.” La génération Z change les règles et pour moi, instaurer ce dialogue continu, cet échange sans langue de bois permettrait de faire grandir toutes les générations, et d’éviter les dépenses faramineuses des entreprises dans la QVT (Qualité de Vie au Travail). Il faut rappeler que les problèmes en entreprise sont majoritairement relationnels. Aussi, je pense que ce serait bien qu’il y ait des jeunes dans tous les codir, car cette génération apporte un nouveau souffle et une nouvelle vision du monde avec elle.
Quelles sont justement les barrières mentales de l’ancienne génération pour faire confiance à la gen Z ?
Une méconnaissance de la génération Z. Il y a beaucoup de préjugés sur cette génération, car elle est, il faut le reconnaître, déstabilisante, elle questionne l’existant : le “on a toujours fait comme ça” ne va plus de soi. “J’ai autorité sur toi” non plus, à partir du moment où elle remet en cause les autorités de statut et de fonction et les hiérarchies verticales, surtout si les décisions ne sont pas considérées comme juste ou légitime par elle. On dit d’elle qu’elle est égoïste. Narcissique peut-être, mais égoïste non. Elle est plutôt altruiste.
5 conseils aux recruteurs
#1 Créer et garder le lien tout au long du processus de recrutement.
#2 Faire de l’onboarding qualitatif
Leur montrer qu’ils sont une valeur ajoutée pour l’équipe et l’entreprise dès l’onboarding.
#3 Impliquer les jeunes dans leur processus d’onboarding
En leur faisant faire un rapport d’étonnement ou même en leur proposant de faire de premiers retours et recommandations.
#4 Demander aux jeunes ce qu’ils veulent apprendre
Au-delà des compétences qu’ils détiennent, car ils attendent de l’entreprise qu’elle les fasse grandir.
#5 Feedback
Pendant que la personne est dans l’entreprise, recevoir du feedback sur son état de bien-être, que ce soit de manière informelle ou continue.
Finalement, peut-être qu’on ne se comprend pas entre générations, car nous ne mettons pas la même définition derrière chaque mot. Tandis que l’altruisme de l’ancienne génération se traduisait par “tout donner à l’entreprise”, celui de la nouvelle génération se concentre plutôt sur la qualité des liens tissés en interne. L’engagement n’est pas de rester 10 ans ou à vie dans une entreprise, l’engagement c’est de s’investir et de rester motivé sur son temps de travail. Pour Elisabeth, pour recruter cette génération il faut la comprendre. Et, pour la comprendre, il faut un nouveau dictionnaire, de nouvelles lunettes !
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