Jeunes diplômés en quête de sens : comment résister à la pression des parents ?
Ce sont les questions qui fâchent. Mais elles sont omniprésentes. "Alors tu en es où de ta recherche de poste ?", "Tu as envoyé combien de CV ce mois-ci ? », "Est ce que tu as eu des réponses à tes entretiens ?" ... sont quelques exemples de questions auxquelles tu fais face, et qui t'agacent, voire qui te dépriment. Car, tu as envie de trouver un métier qui a du sens, et donc pas forcément de suivre la voie tracée par ton diplôme ... dont tes parents sont tout particulièrement fiers !
Je me présente, Laurent, professeur à l’École Centrale Supélec (ex Centrale Paris) et dirigeant de Primaveras, une école spécialisée dans le sens au travail. J’entends ces pressions de l’entourage de toute part, et d’ailleurs même de la part de personnes plus expérimentées. Alors voici quelques clés pour « résister » quand on est jeune en début de vie professionnelle avec une envie de sortir du cadre !
Merci les parents ?
A leur décharge, les parents qui se préoccupent de l'insertion professionnelle de leurs enfants, remplissent leur rôle. Au terme de nombreuses années d'études, ils s'intéressent logiquement à la concrétisation de ce parcours brillant, en espérant que cela se transforme en un "bon poste" dans une "bonne boîte". Pire, quand la famille se sera serré la ceinture pour payer des études dont les frais de scolarité deviennent parfois prohibitifs, rien de plus normal que de veiller jalousement au retour sur investissement des études ! Normal, oui. Mais toi tu vises autre chose. Ton critère de recherche, ce n'est pas de te jeter dans les bras des premières offres d'emploi classiques, parce que tu rêves d'autre chose, tu rêves de « changer le monde » !
D'ailleurs, il y a pire, car certains jeunes diplômés rament pour décrocher un poste, même dans le métier « naturel ». Parce que ce qu'on ne dit pas, c'est qu'il y a engorgement à l'entrée dans la vie active pour les diplômes de niveau Master. Je décris ce phénomène méconnu dans mon dernier livre "Le pouvoir, le bonheur, le climat" (Editions du Détour) : tous les jeunes diplômés ne trouvent pas de travail dès la sortie de l'école, ... et il s'en faut de beaucoup, ... on parle même de déclassement pour ceux qui sont contraints d'accepter des postes sous qualifiés. Bref, les conditions sont réunies pour stresser des parents, pavés de bonnes intentions certes, mais qui angoissent à l'idée que leur fille ou leur fils galère et finisse par connaître une forme de précarité.
Que faire dans ces conditions ?
Au fond de toi, tu sens bien que ce temps qui passe, finit aussi par te stresser, et qu’il n’est donc pas simple de rassurer les autres quand on n’est pas rassuré soi-même. Je te soumets donc deux conseils simples pour répondre à ces pressions avant qu’elles ne se retournent contre toi.
La première chose à faire, c’est de rassurer en prenant de la hauteur. Parlons chiffres. Même s’il y a des données variables selon les écoles et universités, il est bon quand même de rappeler que, en France, en 2023, 100% des diplômés ne signent pas un CDI le lendemain de la cérémonie de remise des diplômes ! (qui d’ailleurs n’est généralement pas organisée juste après la fin des cours!!). Si tu veux partager une information vérifiable : saches que seule la moitié des diplômés du supérieur est en CDI un an après la fin de ses études. Oui ! Les raisons sont multiples, mais dans ces raisons, il y a un cycle tout à fait naturel de recherche de poste, de temps de comparer, comme tout simplement de comprendre ce qu’on veut ou ce que veulent les employeurs.
Avec une statistique aussi simple, tu pourras relativiser auprès de tes proches cette urgence de trouver un travail, immédiatement, et plus encore un contrat à durée indéterminée. En montrant cette partie du verre à moitié vide, que généralement on ne veut pas voir, tu vas te rassurer et donc rassurer les parents. Certes, tu as des camarades de promotion qui trouvent très vite un job (le verre à moitié plein donc), mais il faut ne pas considérer ces exemples comme des généralités systématiquement vérifiées.
Et ton projet professionnel dans tout ça ?
Revenons en maintenant à ton projet : travailler dans la transition écologique et sociale. Cette perspective peut honnêtement inquiéter tes parents car cela correspond à des activités et des types de métiers nouveaux, que les générations précédentes connaissent moins. Il y a donc lieu de faire place à la pédagogie, pour que ton projet ne soit pas perçu comme « utopique ». On imagine en effet aisément la consternation de certaines personnes qui ont visionné la prise de parole de ces diplômés lors de leur cérémonie de remise des diplômes à AgroParisTech ! Chercher un travail dans des secteurs radicalement opposés aux voies traditionnelles (et confortables) peut légitimement faire peur.
Pour contrer cela, j’explique à mes élèves que le diplôme ne fait pas le projet professionnel. Dit autrement, il ne suffit pas de déclamer qu’on est sorti de telle école pour qu’un employeur se prosterne et t’embauche illico. Les recruteurs ont besoin d’entendre un vrai projet. Un projet professionnel solide, réfléchi, cohérent avec la personnalité ou les valeurs. Ce qui signifie qu’un même diplôme peut mener à des carrières bien différentes ! … aussi variées que dans des métiers nouveaux ! C’est une évidence, mais elle mérite d’être rappelée car nous sommes très marqués dans notre pays par ces stéréotypes attachés à ceux qui sont « sortis de telle école » !
En conséquence, que tu te sentes l’âme d’un bifurqueur, ou l’envie de faire un pas de côté, ou simplement de suivre la voie classique, tu as besoin de construire ton projet, pas à pas, ce qui ne se fait pas forcément avant la sortie des études. Ce sera une manière de transformer la contrainte en opportunité. En effet, si les diplômes ont une valeur, c’est qu’ils permettent forcément d’envisager plusieurs orientations possibles. Si c’est le contraire, alors le diplôme ne vaut finalement pas grand chose.
Je t’invite donc à mettre en valeur cette démarche de recherche d’emploi (ou de poste) « avec du sens » pour toi comme un projet à part entière, tout à fait similaire à ton camarade qui ne bifurque pas. Tu dois donc mettre en avant ta méthode, à savoir la manière de te renseigner, de rencontrer, d’assister à des événements, de comprendre tes attirances et les attentes des recruteurs. Ce faisant, tu démontreras à ton entourage que ta démarche participe à bâtir un projet (ton projet) autour d’un diplôme (ton diplôme) qui a une telle valeur qu’il t’ouvre un large champ des possibles .… jusque dans la transition écologique et sociale. Et c’est comme cela que va réussir à transformer ta quête de sens en réalité professionnelle !
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