Penser, oeuvrer et entreprendre sur les territoires
Actuellement en rénovation, l’Institut de Tramayes est un centre de formation qui proposera des formations dans un Tiers-Lieu dès le mois d’avril 2023. L’Institut vient de réinvestir les locaux de l’ancienne école élémentaire de Tramayes datant du XIXe siècle ! La particularité des formations ? Accompagner les jeunes en réorientation et les personnes en reconversion professionnelle à apprendre à travailler de leurs mains et de leur cerveau pour entreprendre dans les territoires ruraux. “Les mains dans le cambouis et la tête dans les étoiles”, comme dirait Benjamin, l’un des fondateurs de l’Institut de Tramayes, que nous avons interviewé. Il nous en parle !
Pourquoi avoir fondé l’Institut de Tramayes ?
L’Institut de Tramayes est né de l’initiative de cinq personnes, toutes issues de l’association Arc-en-Ciel France, qui donne des cours de gestion de projet dans des établissements d’enseignement supérieur. Nous avons tous acquis ces compétences de formateur via l’association. Deux d’entre nous sont restés salariés d’Arc-En-Ciel, Guillaume et Marie, et trois d’entre nous se sont reconvertis dans des métiers manuels : Axelle est brasseuse de bières, j’ai été plombier pendant 6 ans et Valentin a élevé des chèvres pendant quelques années.
Via nos cours, nous avons fait le constat d’un intérêt grandissant des étudiants de donner du sens à leur métier, en se rapprochant de deux choses : la matière et la décision. Nous avons donc eu envie de créer tous les cinq, des formations pour accompagner ces personnes à penser, œuvrer et entreprendre au service du bien commun, en travaillant sur trois aspects : le cœur, les mains, la tête. Lorsqu’on sort du bac, nous allons souvent dans des études intellectuelles qui nous spécialisent et notre envie, avec l’Institut de Tramayes, est d’apprendre à redécouvrir l’aspect manuel de nos capacités.
Comment se concrétise l’aspect manuel au sein des formations ?
Il est central. Au quotidien, il y a une alternance entre le travail manuel et intellectuel. Chaque jour les étudiants iront sur le terrain de maraîchage, dans les ateliers ou chez un artisan pour la partie manuelle. Ensuite, ils iront dans les salles de cours pour apprendre l’histoire, la sociologie ou la philosophie. Puis, dans des salles de réunions pour travailler sur des projets de groupe. D’ailleurs, nous proposons des formations basées sur des projets concrets. Par exemple, l’association du Patrimoine de Tramayes nous a demandé d’intervenir sur la rénovation d’un lavoir. Nos étudiants vont pouvoir à la fois travailler sur la partie manuelle via la rénovation, la partie financière pour trouver les fonds nécessaires à la réalisation des travaux et la communication du projet. Sur ce projet, nous allons aussi faire appel à des notions d’histoire et de philosophie pour enseigner le rôle d’un lavoir dans la ville, par exemple.
Terrain de maraîchage, salles de cours… à quoi ressemble l’Institut de Tramayes ?
Nous investissons l’ancienne école élémentaire de Tramayes dans laquelle il y aura des bureaux et des salles de cours. Nous avons aussi investi dans deux granges dans lesquelles il y aura des ateliers de métallerie et de menuiserie et dans une ferme maraîchère.
À qui s’adressent vos formations ?
À tous ceux qui veulent œuvrer pour le bien commun, n’ayant pas peur de mettre les mains dans la terre et préssentant, a minima, que la ruralité est source de plus de solutions que de problèmes. Nous organisons des formations courtes qui commenceront dès avril 2023 et des formations longues qui commenceront dès octobre 2023. Les formations longues sont organisées principalement pour les personnes souhaitant faire une réorientation d’études avec le programme Boussole de 9 mois, et celles qui souhaitent réfléchir à une reconversion professionnelle avec le programme Azimut, qui dure 10 semaines.
Quel est le rôle de chacun des membres de l’équipe ?
Au quotidien, nous sommes 4 à travailler sur l’Institut : Guillaume est chargé des projets pédagogiques et de leur cohérence, Laurent est chef d’atelier, Lucie, responsable de com et j’assure la direction globale du projet, la coordination concernant le Tiers-Lieu, le travail avec le territoire, les artisans, les formations. Marie, Axelle et Valentin, eux, sont adminnistrateurs de la structure et veillent à ce que nous ne nous égarions pas !
Et toi Benjamin, tu es l’un des initiateurs du projet. Qu’est ce qui t’a donné envie de fonder l’Institut de Tramayes ?
J’ai été contrôleur de gestion, responsable de production dans une usine de production de fauteuil roulant, directeur d’association, je me suis reconverti en plomberie, j’ai fait du traitement de déchets dans une entreprise d’insertion, puis professeur en lycée professionnel. J’ai continué de donner des cours à Science Po Lyon parallèlement à tous ces projets. Je me suis rendu compte via mes différentes expériences, que lorsqu’on travaille de ses mains, on a beaucoup de temps pour réfléchir, mais ce temps est souvent occupé par des distractions, comme écouter de la musique. À l’inverse, sur des métiers très intellectuels, nous n’avons pas le temps de réfléchir car notre cerveau est constamment sollicité . Pourtant, en travaillant de ses mains, nous avons du temps pour réfléchir à tout un tas de choses, et nous touchons, sentons, voyons le réel, ce qui est idéal bâtir des théories : notre esprit est libre de divaguer, il en a le temps et le loisir et notre corps le rappelle constamment à la réalité, ce qui empêche notre esprit de délirer. Parallèlement au constat que notre système scolaire ou éducatif a beaucoup de lacunes et que de nombreuses personnes se reconvertissent car elles ne trouvent pas de sens dans leurs métiers, l’idée de l’Institut de Tramayes était de faire quelque chose pour accompagner les personnes à penser, œuvrer et entreprendre, afin que les ouvrages soient ancrés dans la pensée et inversement, que la pensée soit ancrée dans le réel.
Quels sont vos partenaires locaux ?
Nous travaillons avec des artisans, des paysans, les pouvoirs publics locaux, les initiatives locales et des entreprises du coin pour essayer de comprendre quels sont leurs besoins et tenter de faire en sorte qu'elles intègrent la dimension rurale. On va aussi faire des ponts avec des acteurs de tous horizons. On souhaite travailler avec tout le monde et pas seulement des personnes conformes à nos idées.
Quels seront les possibles débouchés pour les personnes ayant suivi vos formations ?
Il pourra y avoir 3 niveaux : on imagine que nos étudiants iront vers des métiers dans lesquels ils travailleront de leurs mains en étant artisans ou paysans. Ensuite, il y aura des personnes qui se mettront au service de l’artisanat et de la paysannerie en facilitant l’installation de producteurs et d’artisans, en créant des coopératives et des commerces pour vendre leurs produits par exemple. Et enfin, des personnes qui œuvreront au service de collectivités locales ou d’entreprises afin que les artisans soient plus facilement intégrés dans les processus de production et que les circuits locaux et ruraux soient favorisés.
Pour en savoir plus
👉 Voici les formations de L’Institut de Tramayes