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La démarche low-tech, une voie d'avenir professionnelle ? 

Ces dernières années, nous nous sommes inventés 46 000 besoins. Certes, nous avons plus de confort, c’est chouette ! Mais nous nous encombrons de superflu et nous jetons beaucoup. La démarche low tech vient répondre à ces enjeux, à l’urgence écologique et à une plus grande équité sociale. Elle vise, par une remise en question de notre rapport à la technologie et au progrès technique en général, à répondre à nos besoins essentiels, de manière utile, accessible et durable. La low-tech, se sont toutes les solutions techniques qu’on peut mettre facilement en place pour améliorer nos modes de vie, réduire nos factures d’électricité, se nourrir en consommant moins, s’habiller en utilisant moins de ressources et même produire nous-même notre énergie et nos équipements. La classe ! Depuis quelques années, des personnes s’y intéressent, rejoignent des Low-tech Lab, ou appliquent la démarche low tech dans leur métier. 

Alors, est-ce que c’est une voie d’avenir ? Et si oui, comment en faire son métier ? 

On a posé la question à 3 ingénieurs, qui ont fait le choix de mettre leurs compétences au service de cette démarche. Martin, Renaud et Quentin nous en disent plus… 

La low tech en réponse aux dissonances 

En sortant d’école d’ingénieur, Quentin Mateus indique “avoir fait un rejet des métiers sur lesquels il était attendu et pour lesquels il avait développé des compétences.” S’étant forgé un esprit critique tout au long de ses études, il a en effet fait le choix d’entrer sur le marché du travail en exerçant une mission engagée dans le cadre d’un service civique. Il part au Bangladesh, pour apprendre à valoriser des matériaux naturels locaux. Là-bas, il travaille sur le projet low tech initié par Corentin de Chatelperron avant qu'il ne fonde le Low-tech Lab, et entend parler du mouvement low tech pour la première fois. Martin, quant à lui, commence à travailler dans le secteur automobile après ses études, mais rentre vite en dissonance concernant la finalité de son métier : “on était formé à fabriquer des voitures électriques et des systèmes d’énergies renouvelables. Déjà, à ce moment-là, je pensais que ce n’était pas cohérent, car on restait sur le modèle des voitures individuelles. Je ne le voyais pas comme une solution d’avenir.” Enfin, Renaud est ingénieur dans les high-tech et l’industrie pendant plus de 10 ans. Via les outils sur lesquels il travaille, il accompagne la mise en place d’innovations techniques pour faciliter les métiers de ses collègues, mais ce n’est pas assez pour remplir son sentiment d’utilité : “plus je creusais les impacts de l’industrie, du fondement économique du système pour lequel je travaillais, plus je me rendais compte que ce n’était pas compatible avec ce que je souhaitais : vivre sur une planète habitable et bien vivre ensemble.” Comme Martin, il se pose des questions, lit Philippe Bihouix : l’âge des low-tech. La low-tech semble correspondre à son besoin d’accomplissement, tout en participant à la construction d’un futur désirable, complémentaire à une démarche sociale. 

Questionner son métier et ce que l’on n'apprend pas à l’école

Ce que la low-tech permet, quand on exerce dans ce domaine, c’est de requestionner l’ensemble des pratiques de son métier et de participer au processus de décision, pour faire autrement. “En école d’ingénieur j’apprenais à résoudre des problèmes le plus efficacement possible. C’est une vision d’efficacité technique sur un problème donné. On ne m’a pas forcément demandé de questionner le sens global de l’activité à laquelle je participais”, explique par exemple Renaud. Selon lui, la low-tech permet de politiser son métier, en remettant la technique dans un débat de société. Quentin partage ce point de vue, pour qui, la low tech remet de la démocratie dans la technique, “en redonnant du pouvoir d’action et en permettant aux citoyens de prendre part, de se réapproprier leurs besoins, de comprendre, de concevoir voire de fabriquer les équipements leur permettant de devenir plus autonomes matériellement, donc plus libres politiquement.” 

Les applications low tech dans son travail

Selon les structures, les applications sont nombreuses. Renaud souhaite lancer son activité autour d’une pédagogie des Low Tech et prévoit aussi d’accompagner les particuliers dans leur habitat : “je me vois bien accompagner les personnes qui aimeraient faire elles-mêmes des réalisations low-tech, sans être complètement autonomes”, dit-il. Martin, lui, propose via son association, des ateliers low-tech à destination des écoles supérieures et des étudiants. Enfin, le Low-tech Lab de Concarneau, est une sorte de programme de recherche collaborative sur les low-tech, autant qu’un ensemble de contenus et d’outils libres et appropriables pour apprendre et faire par soi-même, se former, monter une communauté, se reconvertir. “Au début du projet, nous étions surtout des ingénieurs en manque de sens, inspirés par les cultures techniques des pays du Sud, et puis des bricoleurs et des youtubeurs” indique Quentin. La mission principale du Low-tech Lab était en effet de faire connaître cet autre rapport à la technique, et de réaliser des documentaires, des webséries puis des enquêtes pour montrer ces manières de vivre, de faire et de s’organiser autrement “qui sont réalité déjà là” précise-t-il. Aujourd’hui, nourrie de toutes ces expériences de terrain, l’équipe du Low-tech Lab a initié une dernière expérimentation dans l’agglomération de Concarneau. Il y est question de tester et d’apprendre des façons de faire plus low-tech en coopération avec une multitudes d’acteurs. “Nous avons par exemple accompagné le centre hospitalier ainsi que les professionnels du port de Concarneau, sur la mise en place d’une logistique low tech avec des vélos cargos et d’autres véhicules intermédiaires” explique Quentin.

La low-tech, ça paye ? 

Martin, Renaud et Quentin, on fait le choix de l’association pour contribuer à diffuser la démarche low-tech. Les deux premiers ont tous deux un travail à côté. Martin travaille à mi-temps dans une structure qui reste en lien avec ses valeurs : elle a créé un répulsif à Dauphin pour éviter les pêches accidentelles. Pour l’entreprise qui l’a embauché, il y avait d’ailleurs un intérêt : “A l'heure où les salariés recherchent des entreprises engagées, c'est doublement intéressant pour mon employeur afin d'agir et de se démarquer des concurrents” indique Martin. Renaud va en revanche bientôt lancer son activité. Il a bénéficié d’un bon salaire en travaillant dans l'ingénierie et sait qu’il a une situation privilégiée pour entreprendre dans cette voie aujourd’hui. Pour lui, la bifurcation est pour autant possible pour tous : “pour se lancer dans cette voie, certains font des choix radicaux et d’autres ont besoin de temps.” Financièrement, la démarche low tech s’accompagne d’ailleurs d’économies monétaires qui peuvent faciliter la transition : “vêtements, seconde main, réparation d’objets, révision de sa consommation d’énergie…” sont des exemples que donne Renaud, qui a adopté ce mode de vie. “Le tout est de ne pas être trop dur envers soi-même dans ses actions individuelles”, précise-t-il. Enfin Quentin, qui est investi à 100% en tant que salarié du Low-tech Lab, peut se le permettre grâce aux différents financements que reçoit l'association, provenant de fondations, d’institutions  publiques ou encore des sponsors qui ont soutenu la production de leurs documentaires.

La low tech et le sens au travail

Au-delà des usages concrets du quotidien qui touchent tout le monde, comme : se chauffer en consommant moins ou réparer ses objets, s’engager dans la démarche low tech à permis à Renaud d’être plus aligné, de faire des choses concrètes et stimulantes : “j’ai la satisfaction de savoir que ce dans quoi je mets de l’énergie aujourd’hui, c’est un futur que je désir. Je découvre beaucoup de nouvelles choses et réapprends à fabriquer des systèmes utiles au quotidien.” Pour Martin aussi, la low tech apporte du concret, lui qui a préféré quitter un travail bien rémunéré pour rester cohérent vis-à-vis de ses valeurs. Si le chemin n’a pas toujours été simple, devant trouver l’équilibre entre son engagement associatif et son besoin de rémunération, agir dans son quotidien et dans son travail, est pour lui un devoir. Et, encore plus depuis qu’il est papa : “je ne me vois pas dans 10 ou 20 ans, être face à mon enfant et dire :  je n’ai rien fait, j’osais pas, j’attendais une décision politique”, dit-il. Via son métier au Low-tech Lab, Quentin à lui, le sentiment de “contribuer à rendre possible d’autres façons de faire, d’autres trajectoires individuelles et de société, autant sur le plan social et écologique que politique.” 

La low tech, une voie d’avenir ? 

Pour Martin, la réponse est oui, “à condition que le marché de l'emploi libère des postes sur cette thématique et que les formations soient adaptées.” Pour Renaud, “oui, la low tech est une voie d’avenir pour les ingénieurs, comme les non ingénieurs. En revanche ce n’est peut être pas une voie qui va permettre de cocher les indicateurs de succès que l’on voit dans le Palmarès des grandes écoles.” Étant ingénieur, il aborde la question sous ce point de vue et précise “qu’il faut peut être changer cette vision de l’ingénieur comme classe très privilégiée, allant gagner beaucoup d’argent et allant changer le monde grâce à la technique.” Enfin, Quentin indique que chacune des enquêtes du Low-tech Lab a permis de découvrir autant de métiers low-tech de demain, qui sont déjà là, seulement encore invisibilisés ou dévalorisés. Il cite les métiers suivants : “déposeur et réhabiliteur de matériaux de seconde main, animatrice de repair-café ou d’ateliers partagés, boulanger·e solaire, formateur·ice en autonomie énergétique et accompagnateur·ice au auto-construction ou auto-rénovation, chaudronnier·e ou artisan·e-cadreur·se d’objets de cyclologistique, reconditionneur.se de matériel informatique ou médical etc.” Il rejoint Renaud sur le fait que tout cela tient beaucoup à nos représentations et nos modèles de réussites : “j’ai un ancien collègue qui dit que la low-tech c’est un changement de regard. Si nous regardions avec autant d’admiration les entreprises du patrimoine vivant, ou les paysan·nes inventeur·rices autonomes sur leurs fermes collectives, véritables designers, agronomes et ingénieur·es d’expérience — qui prennent soin des écosystèmes et de leurs terres, qui s’attachent à ouvrir leurs fermes et rester des acteurs sociaux et culturels de leurs territoires, qui font avec le vivant plutôt que contre lui, qui s’économisent la santé autant que les ressources et biens communs dont ils et elles dépendent, au moyen d’outils agricoles appropriés, auto-construits et sur lesquels ielles gardent la main — celles et ceux là-même qui produisent une alimentation diversifiée, libre et riche, de qualité, locale et de saison, à taille humaine ; si nous les regardions avec autant d’admiration donc, que les magna de la silicon valley, leurs métiers seraient mieux considérés, revalorisés, s’ils représentaient à nouveau une forme de liberté et de justesse désirable, ces métiers seraient aussi mieux partagés, désintensifiés et ainsi toujours plus conviviaux, épanouissants pour l’individu, le collectif, la société.”

10 structures low tech qui les inspirent

  • Kerlotec, un écosystème d'entreprises low-tech.
  • Objets Bien Fait, une entreprise qui fait la promotion d’une consommation plus durable dans la vie quotidienne.
  • La vie est belt, une jeune marque  qui conçoit, produit et vend des vêtements  en matières recyclées, en association avec différents partenaires : entreprises à but socio-économique, structures d’insertion, entreprises du patrimoine vivant, etc.
    👉Pour en savoir plus, tu peux regarder cette vidéo sur Instagram qui présente la vie est Belt !
  • L’Atelier Paysan, coopérative qui colporte des technologies paysannes, documente et appuie les agriculteur.ice dans la conception et la fabrication de leurs propres outils agricoles.
  • La Belle tech, qui re-conçoit, adapte, certifie et fabrique à façon des systèmes low-tech pour les professionnels.
  • La Fumainerie à Bordeaux, à l'initiative d’habitants voulant préserver la ressource en eau, en équipant la ville de toilettes sèches en ville.
  • Veloma à Bressuire, qui conçoit fabrique, et accompagne à la construction d’objets de cyclologistique, les documente et les diffuse en open-source.
  • Super Solide, studio de design d’objets low-tech du quotidien.
  • Ecocotte, fabricante de marmites norvégiennes.
  • Le Relais, entreprise à but socio-économique (insertion par l’activité économique) en France et à l’international, spécialisé dans la collecte, le tri et la revente de vêtements, mais aussi la création textile, la production d’isolant en coton recyclé, etc.

10 formations possibles dans les low tech

7 idées de métiers dans les low tech

  • Responsable transformation et valorisation low-tech  des composts urbains : élevage de mouches soldats noires, de lombrics, de bactéries efficaces, etc..
  • Artisan·e solaire, tu as l’exemple de NeoLoco, 1ère boulangerie solaire d’Europe, mais aussi producteur en agriculture paysanne, de conserves lacto-fermentées, de champignons sur marc de café, de spiruline.
  • Chargé·e des opérations dans une structure qui réemploi des matériaux du bâtiment.
  • Technicien.ne valoriste dans une ressourcerie, une recyclerie, un repair-café, un atelier de réparation vélo ou mobilier
  • Coursier·e collecteur·rice de matières organiques, de déchets cartons, verres, etc. en coopérative 
  • Accompagnant·e à l’auto-construction (dans le secteur des énergies renouvelables ou de l’éco-construction)

Pour passer à l’action

👉 Trouver un emploi à impact positif

👉 Se former aux métiers de la transition écologique et sociale

Pour aller plus loin

👉 L’éco-conception va-t-elle sauver le monde ?

👉 Martin - Gérant d’association low tech et salarié à mi-temps.

👉 Décarboner la société sans oublier d’être heureux.