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Girl Go Green - Parcours d’une ancienne matrixée du système

Vous avez peut-être déjà vu l’un de ses posts sur Instagram ? Camille Chaudron, alias Girl Go Green, aborde sur son compte, l’écologie sous tous ses angles : elle nous apprend à faire des semis, partage ses astuces zéro déchet, ses trouvailles pour adopter un mode de vie responsable, tout en sensibilisant à l’extinction de la biodiversité et autres sujets pas très sexys, mais nécessaire à connaître… Surtout en ce moment. 🌍 En plus, elle fait le tour des solutions, de manière fun et décomplexée. On adore ! Pour cette interview avec jobs_that_makesense, on a eu envie de savoir qu’elle était le rapport de Camille avec le travail. Que faisait-elle avant de transformer son mode de vie ? Avant de lancer son compte Instagram ? Comment son regard sur le monde professionnel a évolué ces dernières années ? Elle raconte…

Les pas de côtés de Camille

Lorsque Camille se remémore ses tous premiers pas pour tendre vers un mode de vie plus durable, elle évoque ses achats dans une boutique de vrac, à Lille. Cette première excursion dans l’univers du vrac intervient alors qu’elle travaille sur un poste en marketing, dans une entreprise de l’industrie agroalimentaire. Ne supportant plus de voir ses propres placards de cuisine ressembler à des petits rayons de supermarchés, elle ne voit plus le sens de son métier. Celui-ci contribue davantage à créer des marques, plutôt qu’à se concentrer sur la qualité des produits vendus. Cette expérience en boutique vrac, elle s’en souvient bien, puisque… “Ça a été un flop.” S’y rendant fièrement, munie de ses nombreux bocaux vides, elle dit “en avoir chié sur le retour, car ça pesait une tonne !” Et conclut que “c’est trop chiant d’être écolo.” Pas découragée pour autant, elle retrouve du poil de la bête en fabriquant ses propres pochons en tissus. Ce qui la motive pour passer à l’action, c’est le fait “d’avoir un quotidien moins envahi par le capitalisme et le marketing, et de ne plus faire partie du problème.”

“...je mets 8h de mon énergie, de ma créativité et de mes compétences, chaque jour, dans des activités qui contribuent à entretenir le problème.”

Travail et dissonance cognitive

Le vrac c’est bien, mais pour elle, ça ne suffit pas. Camille se rend compte qu’il y a tout de même une dissonance cognitive assez forte entre son métier dans une entreprise de la grande consommation, qui, précise t-elle, “produisait énormément et non durablement”, et son quotidien dans lequel elle transforme tous ses petits gestes pour tendre vers un mode de vie plus écologique. Sa réflexion : “ça ne sert à rien de transformer ma façon de vivre, si je mets 8h de mon énergie, de ma créativité et de mes compétences, chaque jour, dans des activités qui contribuent à entretenir le problème.” Un problème, qu’elle entretient, en contribuant à développer de nouveaux produits, qui la plupart du temps, “créent des besoins artificiels”. Ce poste en marketing n’étant donc plus très sain pour Camille, elle décide de le quitter.

Ses débuts avec Instagram 

Sans activité professionnelle, Camille se trouve alors dans une triple dynamique. “Je passais beaucoup de temps sur les réseaux sociaux pour suivre des comptes engagés et ainsi tromper mon esprit, qui avait juste envie de glander sur les réseaux”. Avant de s'abonner à des influenceur.se.s engagé.e.s, elle se décrit comme étant “une consommatrice passive des réseaux”, suivant des comptes mainstream, lifestyle et des influenceur.se.s faisant la promo d’un mode de vie “d’opulence, de surconsommation et donnant une image dégradée des femmes”. Les comptes engagés, c’est aussi un moyen pour Camille d’aller un peu plus loin qu’avec la démarche du zéro déchet. Ensuite, sa deuxième action ? Le wwoofing, en rejoignant des fermes permacoles.“J’ai eu un premier avant-goût de l’écologie appliquée et d’un mode de vie écologique au quotidien.” Elle partage d’ailleurs son enthousiasme pour ce mode de vie : “j'avais envie de noter tout ce que je voyais et ce que j'apprenais, et en même temps, je voulais montrer à mes proches, qu’il y a d’autres façons de faire possibles et qu’on peut réaliser des petits gestes très simples.” Ce souhait de partager aux autres, marque les débuts du compte Instagram Girl Go Green ! Enfin, la troisième action qui l’anime, est un projet entrepreneurial, qui lui a permis de sortir du salariat et de la sécurité de l’emploi : “J’ai pris ce prétexte pour sortir de l’entreprise et du chemin tout tracé de la cadre sup’ très bien payée.” Ce projet a finalement tourné court, et Camille entre dans une période de dépression liées à des raisons personnelles.

“J’étais une meuf avec du temps et j’essayais de proposer mon aide.” 

Sortir du tunnel de la dépression

Pendant sa dépression, Camille est en période de chômage. La sécurité du chômage, lui permet pendant cette pause de “suivre là où son instinct l’emmène, en écoutant ce qui lui donne envie de se lever le matin.” Bien sûr, quand on a pris l’habitude pendant des années de suivre un chemin tout tracé, des contraintes horaires, et un cadre bien défini, ce n’est pas chose facile que de lâcher prise ! “Dans un premier temps, j’avais l’impression de partir dans tous les sens, mais avec du recul, quand je fais une deuxième lecture de cette phase, que je post-rationalise, ce n’était pas tellement partir dans tous les sens.” Wwoofing, formation à la langue française des signes, puis aux massages, co-écriture d’un mooc sur les déchets en collaboration avec Makesense, aide d’associations comme le Réseau Vrac ou la Maison du Zéro Déchet… Dès qu’un projet a du sens pour elle, et qu’elle peut y apporter ses compétences, elle y va ! “J’étais une meuf avec du temps et j’essayais de proposer mon aide.” Dis comme ça, Camille semble avoir tout donné pendant cette période, mais elle précise bien que ses actions se sont étalées dans le temps : “Parfois, je faisais une seule action dans la journée, comme par exemple me lever pour aller à la recyclerie.” Cette vie, qui ne semblait pas “proactive” à ce moment-là pour elle, lui a en fait permis de faire “un vide fertile, très précieux”. Le vide fertile, cette action de créer de l’espace dans sa vie pour aller à la rencontre de ce qui nous anime, est une expérience qu’elle recommande : “si tu as les moyens de le faire, en gros, le vide fertile, c’est entamé un voyage où tu ne connais pas la destination et tu es ok avec ça. C’est comme si tu allais à une soirée, que tu faisais la rencontre de quelqu’un qui te parle d’un projet, que ça te donne envie de le rejoindre, et que tu y vas ! Si tu dois être au bureau à 9h30 le lendemain, cette expérience s’arrête là. Mais en période de vide, tu peux creuser en rejoignant des projets qui t’animent.” Elle ajoute, que “bien sûr, tu peux aussi juste profiter de ce temps du rien, de l’oisiveté, pour laisser émerger des choses.” Matrixée dans un système “École de commerce X Sécurité de l’emploi”, elle réalise qu’elle “n’a jamais pensé autrement que dans ce chemin. J’avais besoin de rien, de vide, pour qu’il y ait de l’espace, du silence, pour qu’émergent des choses qui étaient là, mais que je n’avais jamais pris le temps d’écouter, car elles étaient trop étouffées par tout ce qu’il fallait faire !”

Le rien, le vide. Pas un peu flippant tout ça ? 

“Ça m’a fait travailler mon lâcher prise. C’est vraiment la partie la plus difficile.” Période à la fois enthousiasmante et terrifiante, ce qui rend ce vide fertile difficile, c’est non seulement de faire face à ses propres peurs, mais aussi de “se prendre toutes celles des autres”. Elle donne quelques exemples…

Les peurs de ses parents :

  • “Ok, là tu fais ta pause, mais tu réfléchis quand même à ce que tu vas faire après ?” 

Celles de ses potes :

  • “3 mois de trou dans un cv, ça va. Mais au bout de 6 mois, ça commence à se voir !” 

Ce raisonnement, elle le regarde comme quelque chose d’insensé désormais : “on en est là… À se dire que sa carrière est finie avec 6 mois de trou dans son cv. Alors que pas du tout. C’est ce qui va faire de toi quelqu’un de riche, car tu vas cumuler des expériences différentes.” Angoissée par les questions qu’on lui pose, elle finit par répondre à tous ceux qui lui demandent ce qu’elle fait : 

  • “Rien. Je ne fais rien.” 

Et, en effet, elle ne faisait rien “professionnellement parlant”, du moins au sens que l’on donne au mot “professionnel”. Pour autant, elle rencontre une diversité de personnes, crée des liens, s’instruit en se rendant à des conférences et monte en compétences. “Quand tu dis aux gens : je ne fais rien, il n’y a plus de prise, tu es comme un savon.”

  • “Tu as envie de faire quelque chose ?”
  • “Non.”
  • “Tu vas faire quelque chose ?”
  • “Non.”

À Paris, en soirée, on me demandait tout le temps :

  • “Tu fais quoi dans la vie ?”

Je répondais : 

- “Je fais de mon mieux.” 

En assumant, elle écarte ainsi les jugements, qui finalement lui importent peu. “Si tu n’es pas capable d’avoir une conversation avec moi au-delà de mon activité professionnelle” se dit-elle, “ce n’est pas très intéressant.” 

De nouvelles rencontres.

Petit à petit, Camille fait aussi évoluer son rapport à la norme. À ce moment-là, fréquentant des personnes ayant suivi le même type d’études qu’elle, pour qui la norme était la suivante : “travailler, être salarié.e, se défoncer au travail bien au delà des heures supp’ non payées”, elle commence à se tourner vers des personnes se trouvant dans “la même vibe” qu’elle : dans la multi-activité et qui ont fait des sorties de route. “Leur rencontre me permettait de me dire que ce que je vivais n’était pas hors du commun. Pour eux, l'aberration était de faire le même job tous les jours de 9h à 19h.” Pour se connecter à des personnes partageant les mêmes centres d’intérêts qu'elle et la même vision dans le rapport qu’elles entretiennent avec le travail, Camille se rend à de nombreux événements. Beaucoup d’entre eux avaient d’ailleurs lieu chez Makesense. “Je me pointais seule à des événements. Je rencontrais des personnes aux centres d’intérêts communs forts.” Elle fait aussi le bilan de compétences Switch Collective qui lui permet de se connecter à des personnes en quête de sens dans leur travail. Elle s'inscrit à des hackathons, évolue dans des écolieux, se forme aux nouvelles formes de gouvernance : sociocratie, holacratie… “Dès que je voyais quelque chose qui créait un pétillement en moi, j’y allais !”

Et la money dans tout ça ?

Parmi toutes les activités qu’elle entreprend pendant son chômage, Camille mène des ateliers pour partager ses différentes expériences avec le public. Elle le fait gratuitement, jusqu’au jour où quelqu’un lui demande combien elle facture un atelier. “Tiens, mon activité peut-être monétisable !” se dit-elle. “Je construisais mon métier au fur et à mesure et je ne savais pas à quoi ça ressemblerait dans 6 mois. J’aurais jamais cru pouvoir en vivre financièrement car à l’époque il n’y avait pas un mot pour définir mon activité, mis à part média activiste, peut être”. Elle le fait avec passion, sans penser que des entreprises pouvaient s’y intéresser. “Quand tu es au bon endroit, au bon moment avec la bonne énergie dans ta vie et que tu fais ce qui t'anime, il y a une magie qui se crée. C’est un moment dans lequel il faut lâcher prise, être dans la confiance en la vie et des portes s’ouvrent.” Cela ne l’empêche pas d’avoir des angoisses financières au départ. En ce moment Camille se trouve à nouveau dans une période de creux, elle est perdue et ne sait pas où elle va. Mais cette période, elle la perçoit plus sereinement “Je la regarde avec beaucoup de tendresse car je l’ai déjà vécue, il y a une dizaine d’années. C’est très inconfortable, j’ai des angoisses financières, par rapport au futur. En même temps je l’ai déjà vécu et je sais qu’en restant dans ce qui est juste pour moi, vibrant, et ce qui me tient à cœur, je peux y arriver.” Faire confiance, c’est le mettre mot de Camille pour laisser venir des choses, notamment celles qu’elle n’avait pas imaginées !

Vraiment, vraiment s’en taper du regard des autres !”

Petit mot à la Camille d’il y a 10 ans.

“Si je devais parler à la Camille d’il y a 10 ans qui se pose plein de questions sur son parcours et se sent en décalage, je lui dirais qu’elle a raison, que c’est normal de ressentir ce qu’elle ressent et qu’il y a d’autres manières de faire. Le jour où elle va prendre ce chemin, elle sera épanouie et heureuse et ce n’est pas seulement dans sa tête.” Pour elle, le plus important, c’est d’aller à l’intérieur de soi et d’observer ce qui nous tient à cœur viscéralement. Et ça demande du temps, qui se trouve. Il faut aussi essayer des choses et le regard des autres “vraiment, vraiment s’en taper ! Se taper de tout ce que te renvoie la société et de ce que tu devrais faire.” Le discrédit jeté sur les chômeur.se.s, sur ceux qui en font peu, est une grande entrave selon elle, car ces personnes contribuent énormément, mais autrement que via l’activité professionnelle. “Quand tu t’intéresses au sujet du rapport au travail, il y a des manières de contribuer de manière différente que de créer du PIB.” Elle précise bien sûr que ce qu’elle dit est situé car elle a fait des études, eu un diplôme et qu’elle a pu bénéficier de la sécurité de l’emploi dans un premier temps. 

“Ça commence par moi, j’essaie de me déconstruire.” 

Le travail comme levier pour la transition écologique et sociale.

Pour Camille, de part le temps qu’on y consacre, le travail peut être un levier de transition. “On a besoin que tout le monde contribue à mettre son énergie et son cerveau au service d'une co-construction collective de nouveaux mode de vie et de consommation. Pour créer de la valeur autrement. Lorsque je parle de créer de la valeur, je parle du lien, de la solidarité, de régénération des terres…” Elle ajoute également que le “non travail” a lui aussi sa place et est aussi un levier, de part son absence. “Le non travail va nous aider dans la transition écologique, car on a besoin de décroître, de décélérer. Ça va passer par une dé-sintensification de l’activité économique et donc du travail au sens où on l’entend aujourd’hui.” Elle s’autorise elle-même à moins travailler qu’auparavant : “À chaque fois que je me mets à stresser parce que je ne suis pas dans le faire, que je ne bosse pas, parce que je n’ai pas de contrats par exemple, je me dis que je suis en train de déconstruire mon rapport au travail”. Car lorsqu’elle dit qu’elle ne fait rien, ce n’est pas tout à fait vrai. Elle cultive son jardin, construit un composteur, s’occupe de la bonne marche de sa vie en collectivité, contribue à construire des toilettes sèches, se balade, soigne sa santé mentale… Elle insiste bien sur cette notion de santé mentale, car, en en prenant soin, elle “contribue à la société en n'étant pas un poids pour les autres et en étant pas dans cette dépendance à la société de consommation.” Pour accepter de moins travailler, déviant forcément la norme sociétale qui place le travail au centre de nos vies, elle s’auto-coache en permanence : “la pression sur ce sujet est si forte, comme si c’était le seul objectif ultime de l’accomplissement de nos vies. Je me dis que c’est un travail de chaque instant de déconstruire cet imaginaire là.” Elle compare cette posture à celle qu’elle a prise dans sa démarche zéro déchet “ça commence par moi, j’essaie de me déconstruire” et petit à petit, par capillarité, elle espère que ça puisse être inspirant pour d’autres. 

Vivre en collectif pour changer son rapport au travail.

Camille vit aussi en colocation, avec d’autres personnes, qui ont toutes opéré des changements professionnels. Au quotidien, elle est connectée à des personnes qui l'inspirent grâce au regard qu’elles portent sur leur propre vie. Elle donne l’exemple d’une discussion avec l’un de ses coloc’ : “Il avait la sensation de ne pas avoir passé un bon mois, car il n’a pas pris le temps de la contemplation, de se connecter à la nature autour de lui, de sentir le temps passer. Il est maraîcher. On peut se dire qu’il a fait plein de choses, qu’il a transformé son lieu… Mais il n’a pas trouvé ça fou.” Quand on vit en collectif, ça remet aussi en question ce que l’on nomme TRAVAIL. En effet, comme l’explique Camille, la question de la participation à la vie en communauté implique des tâches communes : “c’est du temps que tu vas mettre au service du collectif, c’est du travail. Si je suis trop centrée autour de mon travail, au sens “ mon activité professionnelle”, et que je lui laisse prendre beaucoup de mon temps, il y a plein de choses que je ne fais pas dans la maison. What the point de vivre en collectif dans ce cas ?” Cuisiner pour tout le monde, planter des semis, remuer le compost, sont des activités qui lui permettent de prendre soin du groupe. C’est via cette nouvelle approche de l’usage de son temps, que Camille fait évoluer son rapport au travail. Pour elle, c’est concret. Les autres prennent soin d’elle, tout comme elle prend soin du groupe. Elle trouve d’ailleurs son épanouissement dans ces liens qu’elle entretient avec les personnes qui l’entourent, le vivant, les expériences nouvelles qui la transforment de l’intérieur. Des expériences hors cadre, hors norme, qui incarnent des utopies réalistes. 

Pour en savoir plus

👉 Voici le compte de Camille, Girl Go Green

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