Trois leviers pour enfin prendre sa place quand on est une femme engagée
Claire Bourrasset est la fondatrice de ROUj. Coach certifiée et conférencière, elle accompagne l’émergence d’un leadership plus diversifié, engagé et humain via des ateliers et programmes collectifs. Son programme LES FEMMES OUVRENT LA VOIX.E accompagne en particulier les femmes qui veulent développer leur leadership pour faire bouger les lignes de leurs organisations et de la société vers un monde plus juste et durable.
Si on regarde la place des femmes, elles sont aujourd’hui systématiquement sous-représentées dans tous les rôles de leadership clé pour la construction du monde de demain. Par exemple en France aujourd’hui seule trois femmes sont à la tête d’une entreprise du CAC40, elles sont seulement 17% à diriger nos universités, et ne représentent que 36% de nos député·es. En France en 2021, 88% des fonds levés par des start-up l’ont été par des équipes cent 100% masculines…
Mais ce n’est pas la seule urgence : dans le monde du travail actuel, les femmes vont mal. Une étude menée par le collectif Lean In aux États-Unis a montré qu’en 2021 42% des femmes avaient déclaré se sentir souvent ou presque toujours complètement épuisées. Une autre étude menée en France par Garance&Moi en 2022 annonçait que 57% des femmes rêvaient de quitter leur travail parce qu’elles étaient frustrées et s’ennuyaient !
C’est également un constat que j’ai fait rapidement sur le terrain : il ne manque pas de femmes brillantes et engagées dans leur carrière, mais la réalité est qu’au bout de quelques années, elles tombent comme des mouches. Elles sont frustrées de donner énormément pour si peu de reconnaissance et ont le sentiment d’être freinées dans le déploiement de leur potentiel… et donc dans leur impact.
Qu’est-ce qui explique les difficultés rencontrées par les femmes ?
1/ Elles passent leur temps à répondre aux attentes des autres
La première difficulté, c’est qu’elles ont grandi en passant leur temps à répondre aux attentes des autres. Ce sont souvent de bonnes élèves, qui ont bien travaillé à l’école et sont habituées à toujours avoir la bonne note qui récompense leur bon travail.
Quand elles arrivent dans le monde du travail elles se heurtent à deux gros problèmes :
- Ce qui marchait à l’école, ne marche plus dans le monde professionnel. Bien travailler ne suffit plus à obtenir la reconnaissance méritée.
- À force de vouloir toujours faire ce qu’elles pensent que les autres attendent d’elles, elles s’épuisent, s’éparpillent et passent à côté de là où elles pourraient vraiment faire la différence.
2/ Elles ont du mal à assumer leurs ambitions
La seconde difficulté, c’est qu’elles ont du mal à assumer leurs ambitions. Elles ont grandi dans un monde qui valorise socialement les comportements d’ambition, de prise de risques et d’assertivité chez les hommes, et les dévalorise chez les femmes (Cf étude Heidi et Howard). Par conséquent, elles ont intériorisé qu’elles devaient ne pas prendre trop de place et rester les plus humbles possibles.
3/ Elles ont une vision erronée du leadership
Enfin, elles ont une vision limitante, caricaturale et souvent même rebutante du leadership. Elles voient les leaders comme des êtres ultra charismatiques, voire autoritaires, qui se placent au-dessus des autres et n’expriment jamais ni peur, ni doute, ni vulnérabilité. Cette vision souvent contraire à leurs valeurs, les empêche de se projeter dans ce rôle et de faire rayonner leur pouvoir d’influence comme elles le pourraient.
Alors, comment faire pour prendre sa place quand on est une femme ?
1/ Accepter de prendre du temps pour se penser soi et sa carrière
La plupart des femmes que j'ai rencontrées ont passé leur temps à faire ce que les autres attendaient d’elles, sans jamais se poser les questions : Mais qu’est-ce que moi, je veux ? Qu’est-ce qui est important pour moi ? De quoi moi, je rêve ? Qu’est-ce qui moi, me donne de l’énergie de me lever le matin et de persévérer même quand c’est difficile ?
Les réponses ne tombent pas du ciel. Elles demandent de prendre le temps de se poser, d’analyser ses ressentis, de faire le point sur son histoire et parfois même de mener l’enquête. Travailler en collectif accélère ce processus, car parfois, nous avons tellement la tête dans le guidon que nous ne voyons pas l’évidence : le fil rouge dans notre parcours, nos talents uniques… Un regard extérieur le verra lui beaucoup plus vite.
2/ Passer à l’action
Une fois que je suis plus au clair avec ce que je veux, comment je peux me mettre en marche ici et maintenant, même imparfaitement.
Les femmes que je rencontre veulent souvent que tout leur plan soit parfait avant d’oser bouger un orteil, résultat : elles attendent des années et il ne se passe rien. C’est aussi souvent le résultat du syndrome d’imposture qui leur murmure en permanence qu’elles ne sont pas à la hauteur et qu’elles vont être démasquées si elles osent afficher leurs vraies ambitions.
On ne le dit pas assez, mais le sentiment de légitimité se construit ! C’est le passage à l’action régulier qui fait grandir sa confiance en soi, développe ses compétences et autorise progressivement à prendre sa place. Cela peut se faire en expérimentant au sein d’un groupe réduit, puis en testant ces nouveaux comportements directement sur le terrain.
Par exemple, au sein du programme LES FEMMES OUVRENT LA VOIX.E, on travaille l’assertivité grâce à des mises en situation, qui permettent de prendre en main des outils d’expression de ses limites, de les tester dans la sécurité du groupe, puis de les déployer dans son quotidien.
3/ Sortir de l’isolement
Les femmes avec lesquelles je travaille expriment presque toujours un grand sentiment de solitude face aux enjeux qu’elles rencontrent. Elles ont l’impression que ça n’arrive qu’à elles et, par conséquent, s’attribuent toute la responsabilité de ce qu’elles vivent.
Pour en sortir, j’utilise au sein de mes programmes deux choses :
- Je leur permets de rencontrer d’autres femmes qui rencontrent les mêmes enjeux et je crée des espaces sécurisants où elles peuvent déposer ce qu’elles traversent, être accueillies avec bienveillance et se relier à l’expérience des autres.
- Je les informe sur les freins systémiques au leadership des femmes grâce à des interventions de chercheuses et consultantes en égalité professionnelle.
Ces deux actions leur permettent de comprendre que le problème ne vient pas d’elles, qu’il est largement partagé et construit par une culture qui les dépasse et qu’elles ont aussi intériorisée.
Mon rôle est ensuite de leur donner les clés pour qu’elles puissent reconstruire leur propre histoire, libérées de toute injonction liée au genre, et qu’à terme, elles deviennent des leaders qui changeront la donne pour toutes.
Ces espaces non-mixtes sont d’autant plus précieux que nous avons été plutôt éduquées en tant que femmes à nous comparer, nous juger et nous mettre en compétition les unes avec les autres. Casser cette dynamique est un acte puissant, qui rend aussi aux femmes un pouvoir collectif et leur permet de se ré-autoriser les unes les autres l’ambition.
Un dernier conseil pour des femmes engagées qui voudraient prendre leur place ?
Investissez sur vous-même, personne ne le fera à votre place !
Bien sûr que vous méritez de l’attention, de la reconnaissance, du soutien, mais si vous ne commencez pas par vous le donnez à vous-même, pourquoi les autres le feraient ?
Je sais qu’il est difficile de se mettre en priorité, surtout quand on a décidé de dédier sa vie à créer un monde plus juste et durable, mais pourtant tout commence là. Si je ne prends pas le temps de me penser, de savoir ce que je veux et d’oser le dire, il y a très peu de chances que cela advienne.
Pourtant, nous avons besoin de vos voix. On le sait, dans l’ESS, le développement durable, l’innovation sociale, la RSE… les femmes sont sur-représentées. Nous voulons changer le monde, et si on s’en donnait les moyens pour de vrai ?
Passer à l'action
👉 Plus d’information sur le programme LES FEMMES OUVRENT LA VOIX.E (départ prochaine promotion : janvier 2025)